Création de sens et apprentissage organisationnel, une perspective croisée.
L’apprentissage organisationnel est appréhendé comme « la différence consciente ou mesurable entre les stimuli reconnus, les réponses et comportements potentiels et/ou leurs règles d’association chez certains membres de l’organisation » [Romelaer, 1998:173]. Ce phénomène complexe peut être analysé par l’étude parallèle du concept de création de sens. Si la théorie de Weick est plus un cadre conceptuel qu’une théorie testable, les concepts qu’il met en avant sont des outils puissants permettant d’expliquer le bon fonctionnement d’une organisation ou ses échecs. En étudiant le phénomène d’apprentissage organisationnel au sein d’un cabinet de courtage en assurances, le concept de création de sens nous a ainsi paru d’une grande importance afin d’expliquer l’arrivée et les blocages en termes d’apprentissage organisationnel. Cette étude a été menée sur une période de six mois au travers d’entretiens, et d’une observation participante périphérique. Le dirigeant étant confronté à des difficultés dans l’obtention d’un apprentissage organisationnel, nous avons utilisé l’approche clinique pour effectuer notre recherche. Deux résultats principaux ont ainsi émergé de notre étude. D’abord, nous avons pu constater que la création de sens et l’apprentissage organisationnel sont intimement liés en termes de temporalité dans l’organisation. Cela nous a permis de revisiter le modèle d’apprentissage organisationnel selon Charreire-Petit et de mettre en évidence les phases de sensemaking, d’abord individuel, puis au sein du groupe, et enfin au sein de l’organisation, dans les phases amont du processus d’apprentissage. Nous avons également identifié deux leviers de création de sens au sein de l’organisation étudiée. Le dirigeant semble avoir un double impact sur ce processus : son activité, recherchant la création de sens, semble en contrepartie étouffer les membres de l’équipe et les empêcher de résoudre l’ambiguïté issue de la confrontation avec la réalité. Il restreint ainsi partiellement les possibilités de création de sens. Aussi, nous avons pu voir que les contraintes externes peuvent modifier les schémas mentaux des acteurs et permettre une création de sens. Ces deux leviers de création de sens sont ainsi deux facteurs permettant l’établissement d’une « attitude propice » à l’apprentissage organisationnel.