Les effets des aides publiques aux Hôtels Cafés Restaurants et leurs interactions : Une évaluation sur micro-données d’entreprises
La Mission Animation de la Recherche DARES du Ministère du Travail, de l'Emploi et de la Santé (MAR-DARES) a lancé au cours de l'été 2009 un appel d'offre intitulé « Evaluation des effets de l’aide financière aux employeurs du secteur des Hôtels-cafés-restaurants dans le cadre de la loi du 9 août 2004 » dans le but de quantifier l’impact sur l’emploi et les salaires d’une politique sectorielle originale. L'équipe du Centre d'Etude de l'Emploi a été retenue pour évaluer les effets de cette politique sur les entreprises des différents secteurs des Hôtelscafés- restaurants. L’objet de ce rapport est des présenter les résultats de ce travail d'évaluation. La loi 2004-804 du 9 août 2004 relative au soutien à la consommation et à l'investissement stipule dans son article 10 que les entreprises des secteurs des Hôtels-cafés-restaurants (HCR) peuvent bénéficier d'une aide à l'emploi, pour une durée initialement prévue à un an et demi. Le Décret n°2004-1239 du 22 novembre 2004 précise le champ, les modalités d'application et l'ampleur de cette mesure. Le montant de l’aide forfaitaire est de 1 373 € par an pour les salariés au Smic et varie entre 1 373 € et 336 € pour les autres salariés selon le sous-secteur d'activité et l'ancienneté de l'entreprise. Sont exclus de ce dispositif, les cantines, la restauration collective et d'entreprise et les hébergements non-touristiques. Les lois 2005- 1719 du 30 décembre 2005, 2006-1666 du 21 décembre 2006 et 2007-1822 du 24 décembre 2007 étendent la période d'application de cette aide aux années 2006 à 2008. En outre, le décret 2007-1822 du 24 décembre 2007 modifie sensiblement les modalités d'application du dispositif qui devient plus favorable pour l'ensemble des salariés rémunérés jusqu'à 1 smic plus 3% et pour l'ensemble des salariés issus de la Restauration traditionnelle. En juillet 2009, la loi 2009-888 de développement et de modernisation des services touristiques abroge ce dispositif pour lui substituer une baisse généralisée de la TVA de 19,5% à 5,5% dans ce secteur. Cette politique sectorielle a donc été mise en place pendant cinq ans, entre 2004 et 2009, en faveur de 135 000 entreprises éligibles employant entre 740 000 et 790 000 salariés1 par an pour un coût global de 2,6 milliards d'€ soit 520 millions d'€ en moyenne par an2. Notons que 48% de cette aide bénéficient exclusivement aux salariés au Smic qui sont surreprésentés dans les Hôtels-cafés-restaurants3. La nature de cette aide est de type forfaitaire et plutôt ciblée sur les bas salaires sauf pour les restaurants traditionnels. Les montants accordés sont par ailleurs différenciés selon les sous secteurs d'activité. Il est maximal pour les restaurants traditionnels et les hôtels avec restaurant et est plus faible pour les autres sous-secteurs (cafés, camping, traiteurs, auberges) qui occupent une place plus marginale dans l’ensemble. L’objectif affiché est de favoriser l'emploi et les salaires dans un secteur fortement utilisateur de main-d'oeuvre non qualifiée et à bas salaire. L'enjeu est également d’inciter les entreprises de ce secteur à abandonner le « Smic hôtelier »4, à réduire le taux d'utilisation des emplois informels, de compenser les écarts de taux de TVA (vente à apporter et consommation sur-place) voire à compenser les avantages nourriture de ce secteur. A l’exception de l’étude de Mikol et Ponceau (2009), aucune évaluation n’a été réalisée pour quantifier les effets de cette aide financière accordée dans le secteur HCR. En outre, alors que l’on dispose d’un nombre important de travaux d’évaluation permettant d’apprécier les effets des mesures générales d’allègements de cotisations sociales, les travaux d’évaluation des mesures catégorielles ou sectorielles sont quant à eux beaucoup plus rares. Evaluer les effets induits par cette politique sectorielle suppose de préciser simultanément la nature du choc dont on veut étudier les conséquences mais également de prendre en considération le contexte fiscal et législatif correspondant à sa période de mise en application afin d’identifier les effets spécifiques de la réforme. Ce travail est proposé dans le chapitre 1. Etant donnée l'instabilité des différents dispositifs d'aide sur la période, un préalable indispensable à tout travail d'évaluation est de mesurer avec précision l'ampleur de l'aide effectivement perçue mais aussi le montant des autres exonérations qui sont obtenues parallèlement par les entreprises afin de pouvoir quantifier l'évolution effective du coût du travail, condition préalable à une mesure de son impact sur l'emploi et les salaires. La spécificité de ce rapport est de s'appuyer sur des données à la fois fiables et précises et quasi-exhaustives issues de fichiers administratifs très riches rarement utilisés jusque-là. Ces fichiers individuels d'entreprises, notamment ceux de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) et de l'Unédic, contiennent des informations sur l'évolution du coût du travail, de l'emploi et des exonérations générales et spécifiques de cotisations sociales perçues. Elles documentent aussi le montant de l'aide financière HCR effectivement perçue et les dates d'obtention sur l'ensemble de la période étudiée. Le contenu, les caractéristiques et la qualité des bases et des enquêtes utilisées dans ce rapport sont présentés de manière détaillée dans le chapitre 2. Le premier résultat obtenu ici est de souligner que la très grande majorité des entreprises éligibles à cette aide sectorielle en ont bénéficié. En outre, l'ampleur de cette aide a permis de réduire sensiblement le coût du travail. A partir des données administratives mobilisées dans ce rapport, on obtient un taux d'obtention de plus 70% en termes d'entreprises et de plus de 84% en termes de salariés. Ce résultat revalorise nettement le taux préalablement avancé pour la seule année 2004 par Mikol et Ponceau (2009). L'aide forfaitaire prévue par ce dispositif est positive pour tous les salariés quel que soit leur salaire mais son montant est bonifié pour ceux rémunérés au alentour du Smic. Globalement ces aides ont permis de réduire les cotisations sociales patronales versées par an de 500 € par salarié. Cette aide relativement généreuse vient s'ajouter à plusieurs dispositifs préexistants : les exonérations générales de cotisations sociales sur les bas salaires et/ou les allègements pour les avantages en nature, les contrats aidés, les apprentis ou encore l'implantation géographiques dans les zones défavorisées (ZUS). Or, étant données les caractéristiques des Hôtels-cafés-restaurants notamment en termes de structure des rémunérations, ces entreprises bénéficiaient dès le premier trimestre 2004, c'est à dire avant l'introduction de l'aide HCR, d'un niveau d'exonération générale de cotisations sociales patronales nettement plus important que les autres. Pour mesurer l'intensité de ce niveau d'exonération, on utilise de manière standard le taux d’exonération apparent – rapport entre les cotisations exonérées et l’assiette salariale. Début 2004, ce taux était pour les entreprises de ces secteurs de 13% contre 5% en moyenne pour les autres. L'introduction de l'aide HCR a eu pour conséquence de renforcer durablement cette particularité sectorielle. Il a permis de faire progresser ce taux de l'ordre de 5 points de pourcentage sur la période 2005 à 2006. Ainsi, tous dispositifs confondus, l'Etat a accordé à ces entreprises près de 1,972 milliard d'euros par an sur cette période, soit 2 100 € par salariés. Etant donné le salaire moyen dans ce secteur, cette somme représente l'équivalent en aide accordées aux employeurs du coût d'un 13ème mois et demi. Cet effort massif de l'Etat a-t-il permis de stimuler fortement et durablement les créations d'emplois dans ce secteur ? Plus spécifiquement, quel a été l'impact de l'aide HCR ? Afin de répondre à ces questions et fournir une évaluation globale robuste, ce rapport s'appuie sur trois stratégies complémentaires permettant de contrôler successivement des éléments susceptibles d'affecter nos résultats (l'effet volume, l'endogénéité du traitement, la démographie spécifique des entreprises de ce secteur). Notons que ces évaluations ont en commun de considérer l’aide HCR comme un dispositif affectant le coût du travail ayant les mêmes effets potentiels que les politiques d’exonérations qui préexistaient avant son introduction. Ainsi leur caractère transitoire n’est pas pris explicitement en compte dans cette analyse. La première évaluation (chapitre 3) mobilise des données sectorielles semi-agrégées. Leur utilisation permet de contrôler les flux de défaillances et de créations particulièrement fréquents dans les Hôtels-cafés-restaurants. L'analyse "toutes choses égales par ailleurs" menée indique que la hausse du TEA générée par les aides HCR a eu un impact très limité en termes de créations et de sauvegardes de l'emploi. L'effet estimé est de l'ordre de 7 000 emplois par an soit un coût par emploi créé très élevé, de plus de 86 000 €. En outre, ce résultat peu encourageant en terme d'efficacité de la mesure est même susceptible de surestimer l'effet réel de celle-ci du à la nature des données utilisées pouvant être à l'origine d'un biais d'agrégation et d'endogénéité. Enfin, cette partie montre qu'un ciblage des aides HCR aurait pu être plus efficace en concentrant davantage celles-ci sur les seuls sous-secteurs (Restauration traditionnelle notamment) les plus sensibles au coût du travail. Les résultats obtenus permettent également d'éclairer les débats actuels sur l’intérêt et l'efficacité de la baisse ciblée de TVA pour laquelle on ne dispose encore que de données très parcellaires. La deuxième évaluation proposée (chapitre 4) vise à s'assurer que les résultats obtenus ne sont pas déformés par l'existence d'un biais d'endogénéité. Elle s’appuie sur un lourd travail de simulation des aides perçues visant à rendre exogène le traitement étudié. Les outils standard de l'économétrie de l'évaluation sur données individuelles sont ensuite mobilisés afin de mesurer l'impact de l'aide HCR sur l'emploi appréhendé successivement en termes d'emploi brut, en emploi équivalent temps plein et en heures travaillées. On obtient que le dispositif sectoriel étudié a permis de réduire très sensiblement le coût du travail des entreprises de ce secteur mais n'a pas eu d'effet significatif sur l'évolution des effectifs des entreprises pérennes. En revanche, les entreprises qui ont le plus bénéficié des aides HCR et de l'évolution des barèmes d'exonérations ont connu une hausse plus importante du salaire horaire hors cotisations sociales patronales. Enfin, pour prendre en compte dans l'analyse un taux de défaillance des entreprises relativement élevé dans le secteur HCR, la dernière évaluation réalisée (chapitre 5) s'intéresse à l'effet de l'aide HCR sur les trajectoires, le taux de survie et les variations d'emplois des entreprises. Pour des raisons de disponibilité de données le champ de ce travail se limite aux seules entreprises créées en 2002 issues de l'enquête Siné (Système d’information pour les nouvelles entreprises) c'est à dire deux ans auparavant la mise en place de l'aide HCR. On obtient que l'aide HCR a plutôt favorisé la survie des entreprises de ce secteur sans pour autant permettre un accroissement de leur effectif. Toutefois, l'ampleur de l'effet sur la survie des entreprises est extrêmement limité (quelques mois). Des analyses complémentaires devront toutefois être effectuées pour tenter de contrôler de manière plus rigoureuse l'endogénéité potentielle du traitement susceptible d'altérer en partie ces derniers résultats.
Authors: | BUNEL, MATHIEU ; YANNICK L’HORTY |
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Institutions: | TEPP Fédération de Recherche Travail Emploi et Politiques Publiques |
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